Notre corps est conçu pour bouger. Marcher, porter, s’accroupir, grimper, s’étirer, courir… Autant de mouvements naturels que notre quotidien moderne tend à effacer. En consultation, je le vois chaque semaine : de plus en plus de douleurs mécaniques sont directement liées à l’inactivité prolongée. Avant de parler de renforcement, d’étirement ou de techniques avancées, il faut poser une évidence souvent négligée : l’absence de mouvement est, en soi, un déficit de stress mécanique.
Inactivité et affaiblissement tissulaire
Le corps est un système vivant qui s’adapte à ce qu’on lui demande. Moins on bouge, moins il est prêt à bouger. Les muscles s’atrophient, les tendons perdent de leur élasticité, les cartilages reçoivent moins de nutriments. À force de rester assis, les courbures naturelles de la colonne se figent, certaines chaînes musculaires se contractent de manière chronique (souvent sans qu’on s’en rende compte), et d'autres s'affaiblissent jusqu’à ne plus jouer leur rôle.
Un exemple fréquent ? Le “dos qui se bloque” après un week-end de jardinage ou une séance de sport improvisée. Ce n’est pas l’effort qui blesse, mais l’absence d’habitude de l’effort.
La posture assise : le nouveau standard toxique
Assis 8 à 10 heures par jour, parfois plus. Ajoutons à cela les trajets, les repas, les soirées sur écran : en moyenne, un adulte passe plus de 12 heures par jour en position sédentaire. Le problème n’est pas tant la position assise elle-même, mais sa durée et sa répétition quotidienne. C’est un peu comme porter un plâtre invisible : notre corps s’adapte… dans le mauvais sens et se désadapte en terme de capacité à encaisser les mouvements du quotidien.
Les zones les plus touchées sont :
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la charnière dorso-lombaire (T12–L1),
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les fléchisseurs de hanche (psoas-iliaque raccourci),
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les muscles postérieurs des jambes (ischio-jambiers tendus),
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la ceinture scapulaire (épaules enroulées, cou en avant).
Ces tensions créent un déséquilibre de fond qui fragilise l’ensemble du système locomoteur.
Bouger ne veut pas dire faire du sport
Il y a souvent confusion : “je fais une séance de sport 2 fois par semaine, donc je ne suis pas sédentaire.” Faux. Si les 165 autres heures de la semaine sont passées sans bouger, le corps reste globalement inactif. Ce qui compte, ce n’est pas seulement la durée de l’activité physique, mais sa régularité et sa diversité.
Voici trois leviers simples à intégrer au quotidien :
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Fractionner les positions statiques, surtout si elle est assise : se lever toutes les 20 à 30 minutes, même 1 minute pour casser la sédentarité.
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Introduire des mouvements simples : rotations de bassin, étirements doux, grimper les escaliers au lieu de l’ascenseur.
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Marcher dès que possible : aller au travail à pied, téléphoner en marchant, prendre une pause dehors pour combattre l'inactivité.
Le mouvement, c’est aussi neurologique
Le manque de mouvement n’est pas qu’un problème de muscles ou d’articulations. Il affecte aussi notre système nerveux. Moins de stimulations proprioceptives, moins de coordination automatique, moins de plasticité neuronale. L’équilibre et les réflexes posturaux s’émoussent. Le mouvement est un carburant pour le cerveau : il nourrit nos connexions et affine nos réponses motrices.
En résumé
Sédentarité = affaiblissement progressif + rigidité + perte de perception du corps.
Le stress mécanique ne vient pas seulement de ce que l’on fait, mais aussi de ce que l’on ne fait pas. Dans une prochaine étape, nous verrons comment certains facteurs (sommeil, hydratation, alimentation…) peuvent améliorer ou freiner notre capacité à encaisser ces stress.
En attendant, bougez – un peu, souvent, et en conscience. Votre corps vous remerciera.